Dès lors que l’on s’intéresse au développement cognitif, à la psychologie cognitive, aux effets des apprentissages, ou encore aux difficultés rencontrées par certains élèves, on entend régulièrement parler des fonctions exécutives. Les fonctions exécutives, une fonction exécutive, un trouble des fonctions exécutives… Pourrions-nous avoir une définition s’il vous plait !?

Dans cet article, vous pourrez découvrir les quatre fonctions exécutives que l’on distingue classiquement, et tester l’utilisation de chacune d’elles ! 

Définition des fonctions exécutives

 

Les fonctions exécutives correspondent à un ensemble de fonctions qui nous permettent de réguler / contrôler notre comportement, nos pensées et notre raisonnement (Miyake, 2000). Par définition, ce sont des fonctions de “haut niveau“, c’est-à-dire qu’elles sont coûteuses d’un point de vue cognitif, et que leur disponibilité est limitée. Autrement dit, contrairement à une fonction que l’on qualifie de “bas niveau”, comme par exemple la capacité à percevoir des informations visuelles – qui se fait quasiment automatiquement et qui ne demande pas d’effort – enclencher les fonctions exécutives nécessite un effort cognitif de la part de l’individu. 

Ces fonctions sont nécessaires au quotidien. Elles sont aussi considérées comme le meilleur prédicteur de la réussite scolaire des enfants. C’est pourquoi de nombreuses études et théories souhaitent à la fois déterminer la nature des fonctions exécutives, les zones cérébrales auxquelles elles sont associées, leur type de développement, et de quelles façons les stimuler.

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Les quatre fonctions exécutives classiquement distinguées :

 

Selon les théories et les modèles cognitifs, les fonctions exécutives peuvent être expliquées de différentes manières. Cependant, on distinguera 4 grandes fonctions exécutives qui fonctionnent de manière complémentaires: “la flexibilité mentale”, ” l’inhibition cognitive”, “la mémoire de travail” et enfin “la planification”.

1) La première fonction exécutive est la “flexibilité mentale” : elle représente la capacité à passer d’une tâche à l’autre, ou encore d’une perception d’un problème à un autre. Elle est nécessaire dans des tâches quotidiennes, qu’elles soient scolaires ou non, afin de permettre le passage d’une stratégie à une autre, d’une idée à une autre. Son contraire est la “rigidité mentale”.

Petit exercice pour ressentir le coût cognitif lié à l’utilisation de la flexibilité mentale (inspiré du Trail Making Test; Reitan, 1955) :

Concentrez-vous, et essayez d’énoncer à haute voix une suite logique consistant à donner un chiffre puis une lettre, puis un chiffre, puis une lettre…  Attention, il faut énoncer les chiffres dans un ordre croissant, et les lettres dans l’ordre alphabétique. 

C’est parti : 1 – A – 2 – B – 3 … Continuez tout seul jusqu’à ce que cela devienne compliqué ! Vous vous rendrez compte que l’exercice semble très simple au début, car les premières lettres et les premiers chiffres sont ordonnés automatiquement, mais plus vous avancerez et plus ce sera difficile ! Cette difficulté ressentie sera appelé “le coût cognitif” associé à la flexibilité mentale lors de cet exercice.

2) La deuxième fonction exécutive est ” l’inhibition cognitive” : elle représente la capacité à bloquer l’activation de comportements, de réactions, de connaissances ou de stratégies faciles à activer, voire même automatiques. Cette fonction est clef lorsqu’il s’agit par exemple de focaliser son attention en inhibant (en faisant abstraction) des bruits environnants, ou encore lorsqu’un enfant devra “inhiber” son excitation motrice afin de rester assis en classe. On dira d’une personne qu’elle est “désinhibée” lorsqu’elle aura des difficultés à réguler son comportement, ses actions, sa parole. 

Petit exercice pour ressentir le coût cognitif lié à l’utilisation de l’inhibition cognitive (inspiré du Stroop, 1935) :

Concentrez-vous, et essayez d’énoncer à haute voix la couleur de l’encre des mots écrits ci-dessous : 

BLEU     ROUGE      VERT     JAUNE      BLEU     ORANGE      VERT     BLEU     ROUGE     VERT

Parfait ! Normalement, cet exercice a dû vous paraitre simple. 

Essayez maintenant d’énoncer à haute voix la couleur de l’encre des mots ci-dessous. Attention, ne faites pas d’erreur !

ORANGE      VERT     BLEU     ROUGE     VERT     BLEU     ROUGE      VERT     JAUNE      BLEU

 Cette version de l’exercice est beaucoup plus difficile, et pour cause ! En tant que spécialiste de la lecture (ce que vous êtes depuis la fin de votre école primaire), lorsque vous voyez un mot vous avez une tendance automatique à lire le mot. Or, l’objet de cet exercice n’est pas d’utiliser cette fonction automatique qu’est la lecture, mais au contraire de l’inhiber (la bloquer) afin qu’elle ne vous induise pas en erreur et que vous soyez en mesure d’activer une stratégie moins automatique, la dénomination de la couleur de l’encre. La difficulté que vous ressentez lors du premier exercice, comparée à celle du premier, est le “coût cognitif lié à l’utilisation de l’inhibition cognitive”.

3) La troisième fonction exécutive est la “mémoire de travail” : elle correspond à la capacité à retenir et à traiter en mémoire à court terme un nombre limité d’informationsPar exemple, lorsqu’on vous demande de retenir un numéro de téléphone, vous n’êtes capable de le retenir que quelques secondes, ou quelques minutes tout au plus. Le coût cognitif lié à la manipulation de l’information en mémoire de travail se fait sentir dès que votre interlocuteur vous demande par exemple “peux-tu me rappeler quel est le 6e chiffre du numéro, s’il te plait ?”. On distinguera l’aspect verbal (retenir une information verbale) de l’aspect visuo-spatial (retenir une information visuelle, une position dans l’espace). 

En règle général, un adulte est capable de retenir plus ou moins 7 informations. On appellera le nombre d’informations retenues “l’empan mnésique“, c’est à dire la capacité de mémoire de travail.

Petit exercice pour tester votre mémoire de travail (inspiré du test de l’empan mnésique visu-spatial des “cubes de Corsi”; Corsi, 1972 ) : 

Regardez la vidéo ci-dessous – essayez de reproduire le chemin des cubes qui se seront activés, dans l’ordre. Attention, contrairement à ce qui est indiqué dans la vidéo, votre empan mnésique correspondra au dernier nombre de cubes que vous aurez retenu correctement. Par exemple, si vous échouez à l’exercice lorsque vous devrez retenir 8 informations (8 activations de cubes), alors cela signifiera que vous avez un empan mnésique de 7 (dernier nombre d’informations que vous aurez retenu correctement). ==> Cliquez ici pour accéder à la vidéo

4) La quatrième fonction exécutive est la “planification”  : 

Elle correspond à la capacité à planifier une action ou un comportement. Cette compétence est importante au quotidien. Par exemple, lorsque vous conduisez il est nécessaire de planifier votre chemin. De même, lorsque vous faites vos courses, vous organisez l’exploration des rayons selon ce que vous avez inscrit sur votre liste, mais aussi selon l’organisation du magasin : si le premier élément de votre liste est “la farine” et que le dernier élément est “le sucre”, alors vous planifierez de prendre ces deux sachets en même temps, lorsque vous passerez dans le rayon des gâteaux.

Petit exercice pour tester votre planification (inspiré du test de la Tour de LondresShallice, 1982 ) : 

Sur l’image ci-dessous, figurent deux schémas. Le schéma de gauche correspond à la position initiale des 3 boules qui vous sont données (grise, noire et blanche). Le schéma de droite correspond à la position finale que vous devez atteindre, en ne faisant que 4 mouvements différents. 

Attention, une boule bougée doit nécessairement être déposée sur un bâton. Cette action correspondra à 1 action. Par ailleurs, il n’est pas possible de prendre deux boules en même temps.

 

Solution : 1) Prendre la boule noire et la mettre sur le bâton du milieu. 2) Prendre la boule blanche et la mettre sur le bâton du milieu, au dessus de la noire. 3) prendre la boule grise et la mettre sur le bâton de droite. 4) Reprendre la boule blanche pour la re-positionner sur le bâton de gauche.

Les fonctions exécutives sont-elles présentes chez les enfants ?

 

Oui ! De nombreuses études se sont intéressées aux trajectoires développementales des fonctions exécutives. Certaines mettent ainsi en évidence qu’elles sont présentes dès les premières années de vie (dès l’âge de 3 ans ; Carpenter, Nagell, & Tomasello, 1998), et qu’elles continuent à évoluer jusqu’à la fin de l’adolescence voire même jusqu’au début de l’âge adulte (Diamond, 2013). En effet, elles sont associées aux réseaux cérébraux qui maturent le plus tardivement, à savoir le cortex préfrontal (la zone qui est en-dessous de votre main si vous la posez au niveau de l’avant de votre crâne, sur votre front).

Dans un autre article (à venir !) nous traiterons plus précisément des questions relatives aux réseaux cérébraux qui sont associés aux fonctions exécutives, ainsi qu’à leur développement. 

En attendant, retrouvez les articles précédents dans lesquels on parle déjà d’un programme scolaire spécialisé dans le développement des fonctions exécutives, des bienfaits de la méditation sur ces fonctions, ou encore de leur implication dans la créativité de chacun !

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Bibliographie :

  • Carpenter, M., Nagell, K., & Tomasello, M. (1998). Social cognition, joint attention, and communicative competence from 9 to 15 months of age. Monographs of the Society for Research in Child Development. http://doi.org/10.2307/1166214
  • Corsi, P.M. (1972). Human memory and the medial temporal region of the brain (Ph.D.). McGill University.
  • Diamond, A. (2013). Executive Functions. Annu Rev Psychol, 64, 135–168. http://doi.org/10.1146/annurev-psych-113011-143750.Executive
  • Miyake, A. (2000). The Unity and Diversity of Executive Functions and Their Contributions to Complex “Frontal Lobe” Tasks : A Latent Variable Analysis. Cognitive Psychology, 41(1), 49‑100. https://doi.org/10.1006/cogp.1999.0734

     

  • Reitan, R.M. (1955). The relation of the Trail Making Test to organic brain damage. Journal of Consulting Psychology, 19(5), 393-394.
  • Shallice, T. (1982). “Specific impairments of planning”. Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series B, Biological Sciences. 298 (1089): 199–209. Bibcode:1982RSPTB.298..199S. doi:10.1098/rstb.1982.0082
  • Stroop, J. R. (1935). Studies of interference in serial verbal reactions. J. Exp. Psychol. 18, 643–662. doi: 10.1037/h0054651

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